Atos : un nouvel actionnaire au profil surprenant conteste le PDG du groupe

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Atos : un nouvel actionnaire au profil surprenant conteste le PDG du groupe​


Un homme d’affaires détenant près de 1 % du capital de la société informatique, l’un des anciens fleurons français en pleine transformation, veut engager des poursuites judiciaires contre elle ainsi que contre son PDG et son conseil d’administration. Objectif, faire capoter la scission de la boîte et obtenir la tête de son président, Bertrand Meunier.
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En juin 2022, Atos a été scindée en deux sociétés distinctes. (Leon Kuegeler/DPA.AFP)

par Laurent Léger
publié aujourd'hui à 19h38

C’est à la veille du week-end qu’un mail embarrassant est tombé dans la boîte de Bertrand Meunier, le PDG d’Atos, ainsi que dans celle de chacun des 13 administrateurs de la société. Le message émane d’une société de Singapour, Alix AM Pte Ltd, et est signé de son directeur Jérôme Ferracci. Non seulement cette boîte assure soudain être propriétaire de plus de «un million d’actions» d’Atos – ce qui en fait, avec environ 1 % du capital, l’un des principaux actionnaires minoritaires du groupe –, mais elle semble décidée à freiner, voire empêcher l’opération de démantèlement en cours de la société française de services informatiques, qui accumule les soucis et les dettes (2,3 milliards d’euros), et dont les 11 milliards de chiffre d’affaires et les 110 000 collaborateurs sont promis à un avenir incertain. Cette «guerre industrielle» occupe et préoccupe ces temps-ci de nombreux industriels, banquiers, politiques, jusqu’à l’Elysée qui scrute de près ce dossier complexe.

Pour résumer, en juin 2022 a en effet été annoncée la scission d’Atos en deux sociétés distinctes. D’un côté, une nouvelle boîte dénommée Tech Foundations (TF) doit accueillir les activités historiques du groupe : la gestion de parcs informatiques. De l’autre, une nouvelle structure, Eviden, plus en pointe, regroupe les métiers d’avenir que sont la cybersécurité, le big data et les matériels de très haute technologie tels les supercalculateurs, sous la vigilance des milieux sécuritaires et militaires, attentifs à la question de la souveraineté. Cette scission s’est-elle déroulée dans les règles de l’art et dans la parfaite transparence due aux actionnaires par un groupe coté en Bourse ? Cet actionnaire le dément, et le regrette dans sa lettre consultée par Libération. Sur 5 pages, le directeur d’Alix AM Pte Ltd dénonce la «descente aux enfers» d’Atos et son «affaiblissement», dus selon lui à l’arrivée de Bertrand Meunier à la présidence du conseil d’administration d’Atos en novembre 2019. A cette date, assure-t-il, le cours de Bourse était de 69,08 euros : «Il est aujourd’hui autour des 7 euros.» Quant à sa capitalisation boursière, elle a entre-temps fondu «de 90 %».

Liste de reproches​

«Cette destruction de valeur, assène le signataire du courrier, très énervé comme d’autres actionnaires qui sont montés au créneau depuis 2022, ne peut s’expliquer que par des fautes de gestion commises par monsieur Meunier, dans le cadre de décisions qu’il a pris, qui ont été exécutées par une équipe de direction qu’il a installée et qui ont été validées par vous tous, membres du conseil d’administration présidé par monsieur Meunier.» Ce dernier est d’ailleurs déjà très contesté par d’autres actionnaires divers et variés. Les communicants d’Atos n’ont pas souhaité réagir. Dans Libération, le sénateur LR Cédric Perrin avait eu ce commentaire : «C’est une boîte magnifique qui est en train d’être détruite. On n’est qu’au début de cette affaire.» Meunier s’en est défendu dans la Tribune, rejetant la responsabilité des difficultés actuelles sur des acquisitions hasardeuses et des signatures de contrats non rentables antérieures à son mandat.


Alix AM Pte Ltd liste une série de reproches, d’une réserve émise par les commissaires aux comptes sur deux structures américaines représentant 11 % du chiffre d’affaires, à la vente d’actifs jugée inopportune, en mettant le doigt sur, selon elle, la non-information des actionnaires sur les raisons émises par le conseil d’administration pour refuser les alliances avec Thales ou Onepoint (allié à un fonds d’investissement anglo-saxon), que le courrier désigne comme «professionnels reconnus». Bertrand Meunier dit, lui, n’avoir jamais reçu d’offre formelle et financée de quiconque. Jérôme Ferracci s’en prend également aux conditions de la cession programmée de l’activité «parcs informatiques» de TF au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky (créancier de Libération) et de son entrée au capital d’Eviden à hauteur de 7,5 %.

Alix AM Pte Ltd regrette aussi la nomination d’une administratrice américaine en juin 2023, pour une mission «qui implique d’avoir accès à des informations confidentielles sur les clients des secteurs de la défense et du nucléaire», ainsi que l’opacité entretenue selon elle sur le financement de la restructuration. Quant au démembrement de l’entreprise, il doit être soumis au vote d’une assemblée générale qui n’a toujours pas eu lieu, rappelle l’actionnaire. «Un tel manquement, s’il était avéré, constituerait une faute de gouvernance majeure et entraînerait de ma part une action judiciaire distincte contre les membres du conseil d’administration», prévient-il.

Profil étonnant​

Qui se cache derrière cette structure de Singapour ? L’actionnaire de référence d’Alix AM Pte Ltd n’a rien d’un fantôme, mais son profil est étonnant. Hervé Vinciguerra, un richissime homme d’affaires français, ancien proche d’Arnaud Montebourg, dont il a financé en partie l’activité «abeilles» dévolue à sa société Bleu Blanc Ruche, a fait fortune dans les logiciels. Une partie de l’argent de ce champion de bridge est gérée entre le Singapour et le Luxembourg mais il affirme être résident fiscal français. Son nom est apparu lors de la polémique sur le renouvellement par le gouvernement de l’agrément de l’association anticorruption Anticor l’un des donateurs les plus importants de l’association, Vinciguerra s’est retrouvé pris à partie par certains membres, qui estimaient que ses dons risquaient de porter atteinte à son indépendance. L’homme a autant investi dans la cyber israélienne au côté du fondateur de la très décriée NSO (dont l’outil d’espionnage Pegasus est désormais connu de toute la planète) que dans la presse française indépendante, via un fonds de dotation pour la liberté d’informer (Reflets et Streetpress), ou en association avec le fondateur du magazine Bastille. Il n’a pas souhaité répondre aux sollicitations de Libération.
 

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