Rivalités sur le quantique militaire, enquête intéressante !

matabeta

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Désolé je ne sais même pas créer l'édition d'un article de presse. Map, je te laisse déplacer l'article si tu le souhaites ! C'est un dossier du Figaro qui vient d'être publié pour leurs abonnés. Le lien avec Atos est relatif (cité vite fait), mais ça montre quand même au coeur de quelles types de rivalités nous nous trouvons, et là on ne parle que du quantique... Pour votre curiosité, je vous le conseille !

Rivalités quantiques pour la suprématie militaire
ENQUÊTE
En promettant de révolutionner les capacités de calcul des ordinateurs, de fragiliser les communications cryptées ou en développant de nouveaux capteurs plus sensibles, les technologies quantiques menacent de renverser les rapports de force militaires. Les armées occidentales et chinoise s’y préparent dès aujourd’hui.

Il n’y a rien d’apparemment militaire chez Pasqal. L’entreprise, cofondée par le Prix Nobel de physique Alain Aspect, est pionnière dans la conception d’un ordinateur quantique. La machine, sur laquelle les ingénieurs travaillent dans leur laboratoire à Palaiseau, ressemble à une boîte ouverte de moins d’un mètre cube, à l’intérieure de laquelle une série de miroirs et d’appareillages servent à refléter et à maîtriser un faisceau laser comme dans un labyrinthe. Le laser interagit avec du rubidium pour «coder» des atomes, comme le courant électrique code en mode binaire, zéro ou un, les informations d’un processeur informatique. Dans l’infiniment petit quantique, on parle de qubit et c’est beaucoup, beaucoup plus compliqué. «C’est comme vouloir ralentir un camion en lui lançant des balles de ping-pong», plaisante Georges-Olivier Reymond, le président de l’entreprise, dont les travaux ont permis de savoir isoler des photons. Au-dessus du tableau noir couvert d’équations, dans son bureau, quelqu’un a malicieusement écrit: «Nobody told you it will be easy.» Personne ne t’a dit que ce serait simple…

Fondé sur des propriétés d’«intrication» et de «superposition» des particules, le champ technologique du quantique est autant vertigineux qu’incompréhensible. Des particules peuvent être liées entre elles, quelle que soit la distance qui les sépare, et elles peuvent se trouver dans deux «états» différents simultanément… La révolution scientifique promise est synonyme de capacités exponentielles. «Il y aura un avant et un après», dit-on au ministère des Armées.
Un ordinateur quantique pourrait réaliser en quelques secondes des calculs qui prendraient des siècles à une machine traditionnelle. Alors les recherches de Pasqal intéressent au plus haut point les militaires. «Elles sont d’importance», confirme-t-on, sans en dire davantage pour cause de secret-défense. Mais l’entretien des capacités de la dissuasion nucléaire repose par exemple sur des moyens de simulation qu’un ordinateur quantique pourrait renforcer…

Scénario apocalyptique
Dans la foulée de l’adoption en 2021 d’une stratégie nationale pour le quantique, l’État a investi 25 millions d’euros dans Pasqal, via le fonds d’innovation de défense qui finance des entreprises innovantes stratégiques. Cette mise sous protection financière évitera «à l’entreprise de tomber dans des mains qui ne nous conviennent pas», poursuit le responsable. Une autre entreprise du secteur, Quandela, a bénéficié du même soutien. Le chef de l’État, Emmanuel Macron, a cité le quantique parmi les défis que les armées devront relever, au même titre que l’hypervélocité ou l’intelligence artificielle.
Pour rendre les choses plus concrètes - et plus accessibles - l’Army Cyber Institute de West Point, lié au ministère de la Défense américain, a résumé certaines des conséquences militaires qu’implique le quantique dans une courte bande dessinée. Elle s’intitule L’Hiver quantique. Elle montre trois soldats américains cherchant à échapper aux feux adverses. Dans ce futur proche, raconte-t-on, l’ennemi dispose de la «suprématie quantique». L’attaque a coupé les réseaux électriques et permis de pirater les systèmes bancaires «plongeant la nation dans le chaos»… Toutes les communications sont potentiellement surveillées. Incapables de contacter leurs appuis sous peine d’être immédiatement localisés, les soldats se retrouvent «isolés et impuissants». Le scénario, apocalyptique, est pris très au sérieux.
En mai dernier, la Maison-Blanche a publié un mémorandum de sécurité intimant à toutes les infrastructures critiques de se préparer. Lorsque la technologie quantique sera maîtrisée, elle pourrait «mettre en péril les communications civiles et militaires, miner les systèmes de supervision et de contrôle des infrastructures critiques et mettre en échec les protocoles de sécurité de la plupart des transactions financières sur internet», assure le texte signé par Joe Biden. Des systèmes résistants devront être proposés dès 2024.
«Le quantique a été identifié comme une technologie émergente qui apportera des ruptures, des opportunités, comme des menaces», explique-t-on au sein du Commandement allié transformation (ACT). Au sein de l’Alliance atlantique, ACT est chargé de préparer l’avenir. Une capacité de simulation sophistiquée, basée sur le quantique, «permettra une prise de décisions opérationnelles et organisationnelles complexes, ainsi que de nouvelles façons de développer des matériaux et des biotechnologies jusqu’alors inconnus, ainsi que des intelligences artificielles de nouvelle génération», explique le rapport d’ACT sur les tendances technologiques pour 2040 dans son chapitre consacré au quantique. Quatre champs d’application militaire au potentiel plus ou moins impressionnant ont été identifiés: les ordinateurs, les communications, le positionnement (indépendant des systèmes GPS), les capteurs.
Des ordinateurs quantiques pour 2030

Certains projets sont dignes de la science-fiction. Sur le papier, ils permettraient de renforcer des capacités militaires essentielles. Les communications quantiques (QKD) promettent, par exemple, d’être inviolables. Les radars quantiques, si un jour ils voient le jour, pourraient détecter un objet par sa présence et non par sa forme. Il en serait fini de la furtivité des avions ou de la discrétion des sous-marins. En théorie, des radars quantiques permettraient aussi de «voir» à travers les murs… Les réflexions sont théoriques. Les armées temporisent. Mais d’autres thèmes suscitent déjà une attention. Les gravimètres quantiques, qui permettent aux navires de se positionner, sans avoir recours au GPS, sont déjà en phase de test. C’est le cas du programme Girafe, développé par la Direction générale à l’armement en France. Une capacité de navigation autonome est cruciale à l’heure où le brouillage du GPS est un préalable à la plupart des opérations. Ils seront intégrés au programme de «capacité océanique du futur» de la marine dans la seconde moitié de la décennie.
«La priorité pour les armées, ce sont les capteurs quantiques et la métrologie. Ces domaines ne seront pas tirés par la recherche civile, contrairement aux ordinateurs», explique Emmanuel Chiva, le nouveau délégué général à l’armement. L’ex-directeur de l’Agence de l’innovation de défense cite quelques autres projets en cours: Valerian, un système de réception basse fréquence, Edam, un système de positionnement navigation, ou encore un programme en cours d’élaboration de capteurs quantiques pour détecter les menaces NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique). «La France doit avoir une politique ambitieuse pour ne pas courir le risque d’être déclassée. L’urgence des crises actuelles ne doit pas nous faire oublier la préparation de l’avenir», prévient Emmanuel Chiva.
Quelques défis sont d’ores et déjà sur la table, comme la cryptologie post-quantique. Depuis les années 1990, la théorie a démontré qu’un ordinateur quantique pourra briser tous les protocoles de communication. En attendant de l’avoir construit, «des États comme la Chine ont développé des stratégies pour “aspirer” autant de données que possible pour les déchiffrer quand ils disposeront d’ordinateurs quantiques», explique-t-on au ministère des Armées. Des algorithmes robustes existent déjà. Mais ils ne concernent pas encore les données de toutes les infrastructures. Ce piratage précoce peut constituer un danger dans quelques années.
Personne ne sait dire à quel horizon la menace quantique deviendra réalité. Pour ACT, les tout premiers ordinateurs quantiques sont à attendre pour 2030. D’ici «quinze à cinquante ans», l’Alliance atlantique entrevoit le développement d’ordinateurs quantiques «universels».



 



Deux modèles de recherche civilo-militaires

Si elle tient ses promesses, la révolution quantique bouleversera les sociétés mais aussi les rapports de force. Pour les états-majors militaires, elle recèle en son sein «autant de potentiel que le projet Manhattan», explique le responsable au ministère des Armées, en faisant référence aux recherches qui avaient permis aux États-Unis de fabriquer, pendant la Deuxième Guerre mondiale, la première bombe atomique. «Chaque puissance voudrait être la première à être dotée de cette technologie», dit-il.
Comme pour le projet Manhattan, qui avait réuni les meilleurs physiciens du monde, la bataille quantique est d’abord l’affaire de scientifiques qui n’ont rien à voir avec l’armée. Mais contrairement aux années 1940, une grande partie des recherches, au moins en Occident, se déroule désormais au sein d’entreprises privées ou de laboratoires publics. En France, de grandes entreprises de la défense comme MBDA, Thales ou Atos s’y intéressent. Aux États-Unis, Amazon, Google, Microsoft ou IBM investissent massivement. Au sein de l’Otan, on encourage un partenariat qui serait bénéfique à chacun. Les militaires pourraient «apporter une plus-value significative aux efforts industriels et académiques en offrant des infrastructures de tests», recommande-t-on.
Le développement du quantique se confond avec la compétition globale, qui va opposer l’Occident à la Chine dans les décennies à venir. Deux modèles de recherche civilo-militaires s’opposent dans une course de performance. Pékin espère prendre l’ascendant technologique. Alors Washington a placé une dizaine d’entreprises chinoises sur une «liste noire», parce qu’elles «contribuent à la modernisation de l’armée populaire de libération».
L’université de science et technologie de Chine (USTC), basée à Hefei, a aussi été désignée comme cherchant à «acquérir» des savoirs américains «à des fins militaires». Cette université est le centre névralgique de la recherche chinoise pour le quantique. «L’objectif de la Chine n’est pas de décrocher le prix Nobel mais de développer des capacités opérationnelles», souligne Marc Julienne, chercheur à l’Ifri et spécialiste de la Chine. Celle-ci concentre ses efforts sur les ordinateurs et les communications quantiques, explique-t-il, dans une note publiée en février. La Chine a déjà testé un premier satellite de communication quantique en 2016, Mozi, censé être maintenant en fin de course. Pour l’instant, ses performances réelles sont à relativiser, tout comme celles de la ligne de communication quantique mise en place entre Pékin et Shanghaï. Elle nécessite la régénération régulière du signal. Personne n’a dit que ce serait simple.
 

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