de bourso ( en lecture libre ) :
le "scénario rose" que les marchés avaient imaginé se fait toujours attendre .
Roland Laskine .
07/07/2023 à 10:38
La semaine dernière nous expliquions, qu'en fermant les yeux, on aurait pu se croire dans un monde presque idéal. En se projetant vers la fin de l'année, les investisseurs avaient imaginé un scénario presque parfait dans lequel ils envisageaient une amorce de baisse des taux d'intérêt par les banques centrales américaine et européenne après les hausses annoncées de l'été, un reflux de l'inflation en pente douce et surtout l'espoir d'éviter une récession dure tant aux Etats-Unis qu'en Europe. Aujourd'hui, le réveil est plus difficile, avec une chute de plus de 4% de l'indice CAC 40 depuis le début de la semaine. Wall Street est parvenu à limiter les dégâts avec un repli plus modeste de moins de 1% pour l'indice S&P 500, mais l'ambiance n'est plus à la rêverie contemplative des semaines précédentes.
Il ne s'est pourtant rien passé de grave : aucune mauvaise nouvelle concernant l'inflation ou la croissance économique n'est en effet venue remettre en cause le scénario plutôt optimiste des opérateurs. L'annonce ce jeudi d'un nombre de créations d'emplois dans le secteur privé pour le mois de juin aux Etats-Unis très supérieur aux attentes aurait même pu être une excellente nouvelle sur le plan économique. Une heureuse nouvelle en effet, si elle n'était pas venue relancer les craintes de regain d'inflation et de durcissement de la politique monétaire de la Fed. En milieu de semaine, certains responsables de la Fed avaient déjà jeté de l'huile sur le feu en indiquant qu'ils étaient favorables au maintien d'une politique durablement restrictive afin de définitivement casser les anticipations inflationnistes.
A peu près toutes les valeurs de la cote ont été attaquées cette semaine, les sociétés liées à l'intelligence artificielle à Wall Street et au luxe à Paris ne font pas exception. Ces titres qui se traitent sur la base de niveaux de valorisation extrêmement élevés figurent en effet parmi les plus vulnérables à la forte hausse des taux d'intérêt intervenue ces derniers jours. Dans ce contexte, nous n'avons cette semaine procédé à aucun arbitrage destiné à faire entrer de nouvelles valeurs dans nos différentes sélections. Nous avons limité nos interventions à des prises de bénéfices destinées à réduire nos différentes positions afin de limiter l'impact d'une possible poursuite de la baisse sur nos différents portefeuilles.
Dans le Défensif, nous avons réduit, ce jeudi, la forte position prise sur Pernod Ricard en vendant 100 titres à 198,35 euros et 80 actions Air Liquide à 156,38 euros. Les tensions sur les taux d'intérêt nous ont aussi incité à céder 300 actions STMicroelectronics en raison du niveau de valorisation élevé de ce titre. Nous avons par ailleurs réduit la position prise sur Saint Gobain (vente de 200 titres à 53,08 euros) et pris l'intégralité de nos bénéfices sur Engie en vendant tous nos titres à 15,042 euros. Dans le même esprit nous avons préféré couper l'importante ligne récemment prise sur le tracker Amundi S&P 500 PEA. Même si le marché américain a mieux résisté que les places boursières européennes, il nous est apparu déplacé de conserver cette position dans le contexte actuel. Dans la même veine, dans la sélection ISR/PEA, nous avons réduit les positions prises sur les fonds CM-AM Sustainable Planet, CPR Croissance Dynamique, Echiquier Positive Impact Europe et OFI Invest Positive Eco.
Nos portefeuilles ont dès lors bien résisté à la baisse des marchés, avec un repli limité à 2% sur les quatre dernières séances pour le portefeuille Défensif et à 2,79% pour l'Offensif, contre une chute de 4,29% de l'indice CAC 40 à la clôture de jeudi soir. La sélection ISR/PEA parvient à réaliser une performance légèrement positive sur la même période et notre sélection Monde composée d'ETF éligible au PEA limite son repli à 1,11%. Au final, il ressort que nos portefeuilles qui s'étaient fait largement distancer par la hausse du CAC 40 du premier trimestre, parviennent à progressivement rattraper leur retard à la faveur des baisses de cours qui ne cessent de s'enchaîner depuis le début du mois de mai. Il s'agit du résultat de la mise en place d'une stratégie résolument prudente, basée à la fois sur une sélection rigoureuse de valeurs de toute première qualité et sur le maintien d'une part importante de liquidités destinée à amortir les à-coups.
Notre stratégie pour la suite du mois de juillet : nous l'avons indiqué en introduction, les événements qui ont conduit à la violente correction de ce jeudi, n'ont rien de dramatique. Il s'agit d'un énième épisode d'ajustement entre les attentes trop optimistes des opérateurs qui n'ont eu de cesse de privilégier un « scénario rose » reposant sur une absence de récession et une normalisation rapide des tensions inflationnistes, suivie d'une détente monétaire de la part des banques centrales. La déception est réelle, mais sur le fond, les investisseurs seront dans les semaines à venir surtout attentifs aux résultats semestriels qui vont commencer à être publiés à partir de la semaine prochaine. Si les entreprises parviennent à montrer qu'elles sont capables de préserver leur marge en dépit de la persistance des tensions inflationnistes, du ralentissement de la croissance dans la zone euro et du recul du commerce mondial, ils disposeront de solides arguments pour rester fidèles aux placements en actions. Surtout avec un niveau de valorisation du CAC 40 toujours très raisonnable atour de 14 fois les profits attendus pour l'année en cours. Si on retire de l'indice nos champions nationaux du luxe et les principales valeurs technologiques, comme STMicroelectronics par exemple, on arrive à des multiples encore plus attractifs de 10 fois des profits. Nous pensons dans ces conditions qu'il faut rester présent en Bourse, mais avec une forte proportion de liquidités afin de limiter les effets du regain de volatilité que connaissent aujourd'hui les marchés. Notre stratégie, maintes fois énoncée dans nos colonnes depuis le début du mois de mai, consistant à privilégier des valeurs plutôt traditionnelles (industrie, services, biens de consommation et énergie) capables de défendre à la fois leurs marges et leurs parts de marché, reste d'actualité. Il nous semble en revanche que les valeurs d'exception que sont LVMH, Hermès International, Kering ou L'Oréal, qui ont longtemps tiré la cote vers le haut, vont être pénalisées dans les mois à venir par l'absence de reprise franche de l'activité en Chine. Ce pays est incontournable, il représente aujourd'hui près du tiers des ventes de produits de luxe dans le monde.
Bonne lecteur et bon week-end à tous,
Roland Laskine