Les "sommes à recevoir non facturées"

[ozymandias]

Au fait l'autre jour je me suis rappelé d'un truc et j'ai oublié d'en parler.

Crédit Suisse en 2018 a été le premier à pointer le manque de sincérité des comptes. Dans mon esprit je pensais me rappeler qu'il s'agissait d'affacturage mais ce n'est pas ça. J'ai retrouvé cet article par hasard:

L’action Atos perd plus de 8%, à 102 euros, de loin la plus forte baisse du Cac 40 et du SRD, après une note de Credit Suisse qui juge que la récente amélioration du cash-flow libre de la société de services informatiques serait essentiellement due à l’utilisation de méthodes comptables (« financial arrangements » dans les termes de la note selon les informations relayées par l’agence Bloomberg). Les analystes ont ainsi constaté, grâce à l’application de la norme IFRS 15, que les « sommes à recevoir non facturées », qui représentaient 32% du total des créances clients en 2012, pesaient 50% du total en 2017 et 61% au premier semestre 2018.
L’absence de changement majeur dans le business model d’Atos ne permet pas d’expliquer ce « changement inhabituel » de comptabilisation. Credit Suisse estime que cela compte pour 30% du cash-flow libre sur les dernières années. À la vue de ces éléments, le cabinet a dégradé sa recommandation sur Atos, de « neutre » à « sous-performance ». Les analystes de Morgan Stanley, eux, diminuent leur cible de 117 à 110 euros.
Contactée par Investir, la société n'a pas souhaité commenter ces déclarations.

Les "sommes à recevoir non facturées", c'est frappant. Quand j'ai acheté ma boite, je me suis fait arnaquer par le vendeur, qui avait mis une ligne de 50K€ de "produits constatés d'avance". En gros nous avions un carnet de commande et le vendeur avait tout simplement passé le carnet de commande en produit, alors que la boite n'avait pas encore exécuté les prestations! Cela y ressemble étrangement, cette histoire dont parle Crédit Suisse. Et si l'arnaque d'Atos ce n'était pas seulement l'affacturage, mais aussi le fait de rentrer dans la compta des sommes qui n'ont pas été encore facturées, car les prestations ne sont pas encore réalisées, sous prétexte de neutraliser de pseudo délais fournisseur?

C'est d'autant plus facile pour Atos que les contrats sont souvent pluriannuels.

61% de sommes à percevoir non facturées, ça voudrait dire que purement et simplement 61% du carnet de commande a été mis en produit dans la compta alors qu'il n'est pas encore facturé. ça explique pas mal le problème de cash et surtout ce décalage entre le CA toujours extraordinaire et le cash toujours famélique.

 

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On m'a confirmé en interne que le Crédit Suisse avait raison

 

[ozymandias]

J'ai écrit une bêtise, c'est pas 61% du carnet de commande c'est 61% du CA. si ces pratiques existent toujours, et que Deloitte se décide à les corriger, ça peut faire des milliards d'€ de régul dans les comptes, encore + que le goodwill.

 

[Cosmic Gate]

Ce n'est pas spécialement une magouille comptable, c'est le principe du CA à l'avancement.

Un contrat d'une valeur de 100 qui coute 50 de couts. Au fur et à mesure que l'on constate des couts, on peut générer un chiffre d'affaire en regard du travail effectué.
A T1 cela a couté 10, la marge attendue est de 50% donc le CA à reconnaitre est de 20 (10/50*100) ou (10 / 50%).

La facturation "réelle" est décorrélé de la reconnaissance du chiffre d'affaires et dépend des jalons de paiement négocié dans les contrats. Ces jalons de paiements permettent de " contractualiser le transfert de propriété et le flux de trésorerie associé".

Normalement un point d'attention pour les cacs doit justement être de vérifier si quand on a dépensé 10, cela représente bien 20% du travail à effectuer ou s'il y a des pertes à terminaison. Quand les pertes à terminaisons ne sont pas identifiés la conséquence est que cela dope le chiffre d'affaire ou minore les pertes à venir en fin de contrat. En général les boites qui pratiquent ça ont de manière général une bonne latitude pour faire ce qu'ils veulent pour piloter leur marge et leur chiffre d'affaires. Quand ça se fluctue ça permet de stabiliser, quand ça se casse la gueule ben ça se casse la gueule un peu one shot mais avec un effet retard. Typiquement les problèmes de reconnaissances de CA aux USA en 2021 ça peut être ce type de sujet. les USA sont encore moins regardant la dessus qu'en France. L'intérêt de la Norme IFRS 15 est justement de cadrer ce type de pratique.

Par exemple dans mon précédent job, Salesforce facture la maintenance de son système one shot en décembre N-1 pour l'année à venir. Ils récupèrent le cash puis vont passer un produit constatées d'avances pour que la génération du revenue s'étale sur la durée de mise à disposition du service.


Dans l'exemple Ozymandias que tu décris cela ressemble plus à une Facture à établir qu'à un produit constatées d'avances. Un PCA vient déduire tes ventes. Après un non comptable peut vite se tromper avec le terme...

Si Atos se retrouve avec plus de sommes à recevoir non facturés en % de CA
On peut estimer que qu'ils ont été un peu plus agressif sur la reconnaissance de chiffre d'affaire. ça peut être aussi expliquer s'ils ont modifié jalons de paiements des contrats (en passant de facturation au trimestre ou au mois à des facturations du type 30% à la commande et 70% à la fin du contrat).

Si Atos se retrouve avec plus de sommes à recevoir non facturés en % de ces créances totales (le cas mentionnée) c'est sans doute un non sujet s'ils ont augmenté le recours au factoring client.

Fondamentalement ce qui aurait du interroger ou éveiller la méfiance, c'est le BFR négatif d'Atos.

 

[ozymandias]

Très intéressant merci. Je ne savais même pas que c'était légal de procéder de cette façon là.
Quand tu dis "En général les boites qui pratiquent ça ont de manière général une bonne latitude pour faire ce qu'ils veulent pour piloter leur marge et leur chiffre d'affaires" c'est le moins que l'on puisse dire, car la clef de ce système réside dans la bonne foi de l'entreprise, le travail nécessaire pour vérifier contrat par contrat que tout est correct c'est gargantuesque. On ne peut vérifier que les grands équilibres.