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Arrivé à la tête du groupe d’informatique mi-octobre, l’ancien banquier hérite d’un dossier de sauvetage financièrement et politiquement complexe.


Durant sa carrière, entre l’affaire Jérôme Kerviel à la Société générale, dont il était le supérieur hiérarchique, en 2008, et la recapitalisation en urgence, début 2017, de la banque italienne UniCredit qu’il dirigeait, Jean-Pierre Mustier a connu des situations périlleuses. Mais, à 62 ans, le polytechnicien ne s’imaginait pas repartir dans une nouvelle opération de sauvetage, à la tête du groupe d’informatique Atos.
Devenu président le 14 octobre, à la suite de la démission de Bertrand Meunier, sous la pression d’actionnaires minoritaires, et alors qu’il n’a rejoint le conseil d’administration qu’en mai, celui qui a fait l’essentiel de sa carrière dans la finance va devoir trouver une issue à l’impasse dans laquelle Atos s’est engagé en annonçant, début août, négocier la cession de sa division d’infogérance, Tech Foundations, à l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky.

Sa première mission, cruciale : faire rentrer de l’argent frais. Endetté à hauteur de 2,3 milliards d’euros à la fin de juin, Atos dit avoir suffisamment de liquidités pour passer 2024. Cependant, 2025 n’est pas assurée. Outre les 400 millions d’euros qu’il pense pouvoir récupérer en vendant des actifs, il lui manque environ 1 milliard d’euros. D’où l’opération négociée avec M. Kretinsky : en plus de reprendre Tech Foundations, l’homme d’affaires est prêt à participer à une augmentation de capital de 900 millions d’euros, ce qui lui donnerait 7,5 % du capital d’Eviden, l’autre division d’Atos, spécialisée dans la cybersécurité.

Nationaliser temporairement les activités « stratégiques »
Seul problème : M. Mustier sait que la cession de Tech Foundations et la levée de fonds d’Eviden n’ont quasiment aucune chance d’aboutir. Pour les valider, Atos a promis d’obtenir l’approbation des deux tiers de ses actionnaires lors d’une assemblée générale (AG) prévue pour le début du deuxième trimestre 2024. Une majorité impossible à obtenir vu l’opposition de plusieurs actionnaires minoritaires, dont les fonds Alix AM et CIAM, et un capital totalement éclaté. Les petits porteurs, dont certains se sont ligués en association (l’Union des actionnaires d’Atos constructifs), représentent 57 % du capital du groupe. La chute de 90 % du cours de l’action Atos au cours des trois dernières années ne les encourage pas vraiment à soutenir les plans de la direction.

C’est pourquoi le groupe d’informatique compte sur le carnet d’adresses de l’ancien banquier devenu président du conseil d’administration pour convaincre des investisseurs professionnels de revenir au capital, en leur faisant miroiter les perspectives de la division de cybersécurité. Mais y parviendra-t-il avant l’AG de 2024 ?

Le caractère politique du dossier Atos fait office d’épouvantail pour de nombreux investisseurs étrangers. Mercredi 25 octobre, les députés de la commission des finances ont adopté un amendement au projet de budget 2024 pour nationaliser temporairement les activités « stratégiques » afin d’empêcher que des technologies sensibles pour le nucléaire ou l’armée française tombent sous « pavillon étranger ». L’amendement a peu de chances d’être voté par le Parlement, mais il entretient le sentiment d’opposition au plan défendu par M. Mustier. Des élus n’excluent pas de demander l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire.

Depuis le départ, l’Etat, qui n’est pas opposé à l’opération avec M. Kretinsky, se tient en retrait. Il ne souhaite pas s’engager au capital d’un groupe privé, d’autant que celui-ci n’est pas en situation d’urgence absolue. Chez Atos, on souligne également qu’une prise de participation de l’Etat risquerait de lui faire perdre des contrats signés avec des clients publics étrangers. Toutefois, la nomination, en même temps que celle de M. Mustier, de Laurent Collet-Billon comme vice-président du conseil d’administration n’est pas anodine. Il a été directeur général de l’armement entre 2008 et 2017 et il conserve ses entrées auprès du complexe militaro-industriel français.

En envoyant ce message aux défenseurs de la souveraineté, M. Mustier espère faire retomber la mauvaise presse entourant le projet. S’il le faut, le nouveau président n’exclut pas de revoir les contours de l’accord avec l’homme d’affaires tchèque. Plusieurs pistes sont envisagées : lui accorder des actions sans droits de vote au capital d’Eviden ; opter pour un financement en obligations convertibles, ce qui ne lui donnerait pas un accès direct et immédiat au capital ; voire contingenter les activités militaires et sensibles d’Eviden dans une entité à part. L’abandon pur et simple de l’entrée de M. Kretinsky au capital de la division de cybersécurité n’est pas totalement écarté.

Climat négatif
M. Mustier doit aussi faire retomber l’opposition dans le groupe. L’opération avec M. Kretinsky a créé des remous au sein du conseil d’administration. Depuis son annonce, début août, deux administrateurs ont démissionné, Vivek Badrinath et Caroline Ruellan. Un troisième, René Proglio, a exprimé à plusieurs reprises son opposition au plan, le jugeant spoliateur pour Atos, car trop généreux pour l’homme d’affaires tchèque. Selon nos informations, le frère jumeau d’Henri Proglio, l’ancien PDG d’EDF, regrette aussi le fonctionnement du conseil d’administration, ce qu’il a signalé à l’Autorité des marchés financiers (AMF), dans un courriel daté du mardi 24 octobre. M. Proglio et l’AMF ne font aucun commentaire.

S’il n’entend pas démissionner du conseil, M. Proglio a tout de même dû se mettre en retrait des débats pour les semaines à venir, le temps de répondre à une convocation de la justice. Afin de faire la lumière sur la situation financière d’Atos, le fonds CIAM aurait engagé une procédure en référé auprès du tribunal de commerce contre M. Proglio, qui occupe la fonction de président du comité des comptes au sein du conseil d’administration. CIAM ne s’exprime pas sur ce point.

M. Mustier craint que ce climat négatif pèse sur le moral des salariés – Atos emploie environ 100 000 personnes dans le monde, dont près de 10 000 en France – et sur la confiance des clients. « C’est un sujet de discussion. Les clients et les équipes lisent les informations, mais ils restent très engagés », a assuré Yves Bernaert, nommé directeur général d’Atos début octobre, lors de la présentation, jeudi 26 octobre, du chiffre d’affaires trimestriel du groupe. Aucun client notable n’a été perdu. Néanmoins, la situation est fragile : son chiffre d’affaires résiste depuis le début de 2023 (+ 0,6 %), mais a baissé de 3 % pour le seul troisième trimestre.
 

queb63

Active member
La balle est dans les mains de Mr Mustier. Il ne faudrait pas grand chose pour relancer la confiance, arreter la scission, faire des ventes intelligentes et se recentrer sur le coeur d'atos et ses atouts. Facile à dire mais à faire ....
 

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